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JE LES AI VU DE MES YEUX !

Mais tout d'abord rebienvenue à Jean-Marc qui vient de prendre ses fonctions de chauffeur. Les automatismes vont revenir très vite. Merci à lui de son engagement. En plus revenir de Corse pour le Nord, heureusement il fait beau.

Volontairement pas de photos aujourd'hui vous allez comprendre. Étape à oublier très vite. Le GR 120 à Dunkerque, c'est tout d'abord des zones industrielles avec ses odeurs. Pour les lecteurs de ma région, ici c'est un peu le Feyzin de Dunkerque. Et puis le GR longe de grandes artères routières avec le vacarme incessant des camions collés les uns aux autres. Des bâtiments industriels gigantesques. Certes je suis sur une piste cyclable donc protégé, d'ailleurs pendant une heure je ne verrais aucun cycliste et pour cause il faut en vouloir de rouler ici. Toute la journée je vais bouffer du béton au rythme des banlieues, quartiers résidentiels, petites routes, je ne verrais pas la mer aujourd'hui. Alors vous allez me dire, sur 180 étapes au bord de l'eau cela fera sûrement du bien de la quitter de temps à autre, oui, mais pas ça si possible.

Et puis l'horreur va arriver. Je prends une chicane qui rentre sur une piste cyclable isolée dans les bois. Parallèlement un petit chemin très étroit, caché, recouvert d'arbustes, piste piéton me dis-je. Je l'emprunte, et voilà que je marche sur une merde de chien. Vous allez me dire, il n'a que ça à nous raconter Philippe. Seulement je m'aperçois qu'il y en a plein sur ce chemin, au milieu, sur les bords, une odeur que vous pouvez comprendre monte à mes narines. Je vais comprendre dans quelques minutes que ce ne sont pas des merdes de chien, mais quelles sont bien humaine. Lorsque je remonte sur la piste je les vois, d'abord quelque uns puis des dizaines, à droite un groupe, à gauche aussi, c'est bientôt une centaine qui s'étend partout. Les MIGRANTS. Sangatte est fermé ils s'installent ailleurs. C'est impressionnant et effrayant à la fois. Ils sont la, le long de la rivière, sur l'autre versant j'aperçois des tentes, puis à perte de vue dans les bois des abris de fortune. De temps à autre un feu, une casserole, un groupe autour. La jungle, la misère. Très vite je m'aperçois que je suis le seul Français au milieu d'eux, on me regarde. Je souris, les salut, parfois ils répondent à mon salut. 2 marchent devant moi avec du matériel dans les mains. Le fruit d'un vol ? Pourquoi je pense ça, mon esprit s'emballe, la peur peut-être. En tout cas je ne juge pas, ils sont plus malheureux que moi. Sur la route, devant moi, 2 sont assis parterre sur le goudron. Ils me regardent. Pour eux je dois être un OVNI au milieu de cette jungle. Arrivé à leur niveau je les salut. Ils resteront inertes, ni ne répondront ni ne m'aggresseront. Ils sont agares, fatigués, épuisés, surement ont-ils marché plus que moi et mangé quoi ? Je suis malheureux pour eux. Le pire c'est que dès que j'ai atteint la piste à l'autre bout, plus de migrants. Je vois une maîtresse avec ses élèves se promener dans un petit parc de toute beauté, alors que mes yeux viennent de voir des monticules de détritus. Puis le flot de voiture reprend ses droits, on a subitement l'impression qu'elles sont plus luxueuses après ce que je viens de vivre. Je verse une larme et je vous le dis, à la maison, devant ma télé, je n'en ai jamais versées en les voyants. Le danger de la télé qui nous montre pourtant l'horreur mais on ne la ressens pas comme je viens de le vivre.

Désolé de vous mettre un coup de blues mais je vous décrirais toujours ce que montre mon tour de France que ce soit heureux ou malheureux. Vous comprendrez pourquoi il n'y a pas de photo aujourd'hui. Tout d'abord devant leur regards il m'était impossible de les photographier et je ne suis pas la pour faire du voyeurisme, je suis passé, les mots suffisent.

Bon courage qu'on me dit parfois. Je répond en souriant, "pas besoin je suis dans mon défit, mon loisir" Oui. Mais aujourd'hui je prend.

C'était ma plus triste journée depuis le 4 août, j'espère qu'elle le restera.

Demain je retrouve la mer.

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